Face aux discours sur la démocratie, les droits de l’Homme, le développement, le progrès, etc… qui n’arrivent plus à masquer les réalités de la domination politique et économique, l’Afrique doit tracer sa propre voie.Une réflexion à laquelle invitent Dr Ali Moussa Iye et Prof.Augustin F.C. Holl dans leur publication : «Au-delà du mimétisme : le potentiel des systèmes endogènes de gouvernance africains». Entretien groupé
Q : Vous venez de publier le livre : « Au-delà du mimétisme : le potentiel des systèmes endogènes de gouvernance africains ». Qu’est-ce qui a motivé cette réflexion ?
Dr Ali Moussa Iye : Ce livre est le résultat d’un grand débat que notre think tank «AFROSPECTIVES : Une Initiative de l’Afrique globale» a organisé en 2022 pour réfléchir sur les fondements ontologiques, philosophiques et épistémologiques endogènes sur lesquels les alternatives à la crise de gouvernance en Afrique devraient être construites désormais. […] La question de la gouvernance endogène nous ramène à celle de la souveraineté, tout aussi actuelle.
Q : Vous rappelez, à travers dix chapitres contenus dans deux parties qui composent le livre, la nécessité de développer des cadres philosophiques, éthiques et spirituels solides et cohérents. Comment faut-il s’y prendre ?
Prof. Augustin F.C. Holl : Cette exigence part d’un constat simple : la gouvernance d’une collectivité humaine prend sa source dans son Histoire, sa cosmologie, et sa culture. […] Les formes de gouvernance héritées de la colonisation doivent donc être repensées et ajustées à l’Histoire et aux cultures des peuples pour avoir des chances de réussir et de durer.
Q : Pouvez-vous nous décrire en peu de mots ce potentiel des systèmes endogènes de gouvernance que recèlent les pays africains dont on ignore dans un silence total ?
Dr Ali Moussa Iye : Ce potentiel est énorme si l’on adopte les approches et les méthodologies appropriées pour exploiter ces gisements de savoirs, d’expériences historiques et de pratiques. […] assurer une éducation civique pour la transmission intergénérationnelle des savoirs.
Q : Vous insistez aussi sur l’urgence de transformer et de rénover l’ensemble du système éducatif, hérité de la colonisation, et de développer de nouveaux contenus et méthodes d’apprentissage. S’agit-il là d’un manque de volonté politique ou d’absence de vision stratégique ?
Prof. Augustin F.C. Holl : La transformation et la rénovation de nos systèmes éducatifs sont un impératif catégorique. […] C’est là où l’absence de volonté politique et de vision stratégique est patente…
Q : Cette parution vient à point nommé au moment où beaucoup d’États du continent peinent à faire face à l’exigence démocratique et aux contraintes du développement économique. Est-ce que les deux peuvent aller de pair ?
Dr Ali Moussa Iye : Il nous faut d’abord sortir de cette opposition artificielle entre exigence démocratique et contraintes économiques. […] Frantz Fanon avait tout dit en écrivant dans son célèbre livre « Les Damnés de la terre » : « Nous pouvons tout faire aujourd’hui à condition de ne pas singer l’Europe…, à condition de ne pas être obsédé par le désir de rattraper l’Europe… »
Q : Le mimétisme qui caractérise les vieilles élites politiques soumises aux prescriptions imposées de l’extérieur, que vous décrivez si bien, est-il la cause principale du retard de l’Afrique en matière de démocratie et de bonne gouvernance ?
Prof. Augustin F.C. Holl : Les situations varient d’un pays à l’autre, et en principe tout dépend de la manière dont les indépendances ont été acquises. […] Cela requiert le respect des peuples.
(Entretien recueilli par Wolondouka Sidibé – Lire l’intégralité sur lopinion.ma)
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